René Rohr

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Escales d'Antan - Souvenirs et observations d’un Capitaine au Long Cours


Renè Rohr

Renè Rohr

Table des matières


Hong-Kong       
Escale aux îles de Los      
La côte des Mosquitos      
Contrastes brésiliens      
Indigo        
La baie d'Along      
Les Aiguilles de Cléopâtre     
Florès        
Propos sur la Mer Rouge     
Intermède antillais      
Le Mancenillier       
Les « Iles enchantées »               
Le Chou des Kerguélen              
La baie de Rio                
La Grande Barrière              
Le Coco de Mer               
L'île aux ossements               
Honolulu                
Du Sénégal à la Baltique              
Huîtres et palétuviers               
L'oiseau Roc               
La Venise brésilienne               
La route de Java               
Le col des Nuages               
Curaçao                
L'île Maurice                
Mayas, morphos et marimbas              
L'arbre à lait                           
Chasseurs d'orchidées               
La fève de Calabar               
Opium                 
Visions byzantines               
Panama                
Mousson de sud-ouest               
Histoires d'éléphants               
L'énigme de Zimbabwé

              

Avant-Propos de l'Auteur


 Le Monde, très rapidement, change de visage sous l'effet des moyens mis en œuvre par l'homme et dont la puissance tend à devenir redoutable. Matérielle au prime abord et visible, l'altération se manifeste plus profondément et avec une portée bien plus importante sous des prétextes humains et compréhensibles encore que souvent fallacieux par une transformation sur le plan politique. De nouveaux Etats surgissent en Asie et en Afrique sur les structures dorévanant  périmées d'un ordre, qui en avait plus ou moins heureusement posé les fondations dans la première moitié du siècle. Pour dérouter nos souvenirs d'élèves, d'étranges dénominations nouvelles des lieux viennent s'ajouter à de nouveaux tracés de frontières, et parfois les jeunes Etats se réunissent en fédérations pour se séparer peu après au gré des années et des vélléités de gouvernements aussi impulsifs que peu stables et trop jeunes pour savoir mener leurs affaires en l'absence de traditions établies. Le voyageur de la zone équatoriale qui revient sur ses pas à deux ou trois lustres d'intervalle ne reconnaît plus les villes qui lui ont été familières et n'y retrouve plus les mœurs et les coutumes dont il s'est plu à évoquer le charme ou la bizarrerie. Et pourtant, il se sentira bien moins ému par les gratte-ciel  qui déparent la rade de Dakar, la colline enlevée tout entière à l'ombre du Pain de Sucre à Rio ou bien les terrassements gigantesques effectués à Hong-Kong en vue d'augmenter la superficie de la ville, que par cette profonde évolution des masses humaines qui prétend y élever le niveau de la vie et qui en réalité ne parvient qu'à les jeter dans le désarroi par l'éloignement de la nature et des traditions ancestrales qu'elle leur fait subir.
 De la nature surtout…
 Car au-delà des enceintes nouvellement industrialisées des pays du Soleil, elle est restée pareille à elle-même et n'a jamais songé à renoncer au moindre de ses droits. Sa vitalité irréfrénable, sa richesse et son immense diversité continuent comme par le passé de solliciter l'interêt du voyageur, et comme toujours l'éblouiront par le déroulement à ses yeux de l'incomparable beauté de son panorama.
 Je n'ai jamais pu en oublier le souvenir…
 Par deux fois, en rédigeant « Palmiers, Sites et Archipels », puis « Entre Moussons et Alizés », j'ai essayé de dominer ma nostalgie. Une nostalgie imprécise que je traîne sur les routes de la vieille Europe et que je partage, j'en suis sûr, avec tous ceux qui ont vécu la force de leur âge dans ces pays d'air, d'or et de lumière qui forment la ceinture équatoriale du globe. D'innombrables lettres m'ont confirmé que ces pages sont allées droit au cœur d'une multitude de lecteurs, pour qui, semblablement, la nature constitue l'essence de la beauté du monde, son âme et sa pulpe et pour qui elle est la grande ordonnatrice dans le tourbillon de la vie agitée dont le sort s'obstine à accabler les hommes de notre temps.
 Seriez-vous tenté, ami lecteur, de me suivre une fois de plus vers une cure de désintoxication dans les solitudes des mers du sud et dans les jungles tropicales des hommes et des bêtes ? Je vous y  invite. Nos routes ne seront pas les mêmes que celles que nous avons précédemment parcourues et les escales, où nous reprendront le contact avec la terre et avec nos semblables seront différentes.
 Nous pourrions, si vous le voulez bien, rechercher quelque peu l'isolement dans des îles peu connues et à peine fréquentées, à Curaçao peut-être, au milieu des mœurs archaïques de la modeste ville de Willemstad, où nous sera reflétée une Hollande des siècles du passé ; ou bien, après une traversée un peu plus longue, aux îles Hawaï. Connaissez-vous Florès, tout au bout des îles de la  Sonde, qu'en dépit d'un nom prestigieux l'éloignement des grandes routes maritimes tiendra sans doute à jamais à l'écart des sentiers battus par les touristes ? Nous ferons crédit, un autre jour, à mon ami, le vieux Féron –Dieu ait son âme–  que tout jeune, j'ai connu matelot à bord de l' « Aden », pour nous faire conter un passage aux Kerguelen, îles inhabitées et bien peu hospitalières, où l'incessante et forte brise d'ouest ne tolère aucun arbre et dont la nature nous réservera des surprises nimbreuses et gavées d'intérêt.
 Le vent serait moins fort, certes, s'il y en avait, et beaucoup plus chaud, aux Galapagos. Mais il n'y en aura pas, car les courants d'air y sont à peu près inexistants. Aucune semence végétale, même microscopique n'y est jamais parvenue par la voie des airs, et ce fait, de pair avec un concours de circonstances peu communes que nous nous rappelions quelques notions de l'histoire de notre globe, nous donnera l'illusion de vivre au milieu des volcans et des monstres de l'ère tertiaire…
 Le séjour n'y sera pas long, ami lecteur, car il sera exténuant, et je comprends que vous préfériez retourner à des îles plus contemporaines. Ce sera aisé. Que pensez-vous de la Barbade, ou de l'île un peu moins connue de Saint-Vincent ? Et puisque nous sommes aux Antilles, de l' île d'Antigua, que nous approcherons une nuit obscure, juste le temps nécessaire pour le dénouement de la singulière aventure d'un compagnon de route courageux et decidé. One ne sera jamais ennuyé aux Antilles. Connaissez-vous l'histoire, toute pacifique par ailleurs, du partage de l'île Saint-Martin entre ses premiers occupants ? J'ignore si elle est véridique, mais je l'ai trouvée assez cocasse pour mériter d'être sauvée de l'oubli.
 Nous pourrons aller changer d'entourage dans les îles de l'océan Indien, à Madagascar peut-être, ou aux Seychelles, ou encore à l'île Maurice, et toujours à l'affût du curieux et de l'inattendu, nous y aurons encore pour cicerone avertie cette même mère nature que nous vénérons. Et lorsque, fatigués de tant de voyages dans les îles, nous aimerons retrouver quelque terre plus continentale, nous aborderons l'Amérique tour à tour au Nicaragua, à Panama, en Colombie ou ailleurs. L'Asie, immense et toujours variée, vaut bien quelques escales et n'oublions pas l'Afrique, celle des mers chaudes surtout, et pour une fois aussi, l'autre, la Blanche, en Egypte.
 La mer aussi, ami lecteur, nous attend. Elle seule restera toujours pareille à elle-même, enjoleuse ou agitée, éternelle dans sa sérénité comme dans ses fureurs. Lors de nos traversées précédentes elle nous a révélé quelques-uns de ses caprices. En connaîtrons-nous d'autres ? Je l'espère pour vous.
 Le pavillon de départ flotte sur sa drisse. Déjà les remorqueurs du port s'affairent le long de nos flancs, et voici que le troisième coup de sirène, le dernier, retentit avec une intensité à percer nos tympans. En ce moment même, à l'avant et à l'arrière, on rentre les gardes montantes et les amarres de bout ; ce bruit de chadburn qui résonne dans les coursives, c'est le signe définitif que le navire se mettra en mouvement, car l'hélice va faire ses premiers tours, et c'est le grand départ.
 A nous, ami lecteur, la grande aventure d'un voyage autour du monde…


          Muhlbach-sur-Bruche, automne 1967
          
           René R. J. Rohr


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