René Rohr

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Entre moussons et alizés - Pérégrinations et escales entre les Tropiques


Renè Rohr

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Table Des Matières


Avant-Propos         
Le Char des Dieux      
Goa, la Dorée       
La Mer Morte       
Sarawak       
L'Arbre à Pain       
Apia        
Poulo-Penang       
Port Hobart       
Singapore Strait               
Ajuda                 
L'Arbre des Voyageurs              
Yerbas du Rio de la Plata            
Croquis haïtiens               
La Rose de Jéricho               
La Nouvelle Cythère               
Winnebah                
Le Dragonnier                
Histoires du Pacifique               
Le Canal de Suez               
Madones, Muscats et Mandragores             
De Bathurst à Mac Carthy              
Le Trésor de Jonathan Lambert             
Les Eaux du Gange               
Youkou                
Botany Bay                
Le Durion                
Fleurs du Cap                
Typhon                 
Nostalgie                
La Porte d'Or                           
Index

                 

Préface de l'éditeur


 Une nouvelle fois l 'auteur a eu recours à ses étonnants talents de narrateur pour tenir le lecteur sous son charme, en cueillant avec un rare bonheur dans les trésors de ses souvenirs ce bouquet tout ruisselant de couleurs tropicales et respirant dans toute sa pureté le parfum d'un produit exotique sans en exhaler les inévitables déchets.  Une fois de plus le lecteur se voit donc emporté vers ces rivages de soleil et de lumières que tantôt berce le chant de la brise dans les ramures des cocotiers ou que voile tantôt la poussière irisée des embruns d'une barre, dont la ligne blanche s'étend à perte de vue et dont les assauts n'ont jamais cessé depuis la nuit des temps. Tour à tour, dans un enchantement qui se maintient jusqu'à la dernière ligne, le lecteur approche les sables dorés de la côte de Malabar et finit par se trouver entre les murs de la vieille Goa aux splendeurs oubliées. Il pénètre dans les rivières de l'obscure forêt à gorilles qui s'étale au pied du mont Cameroun ou voit surgir dans une mer d'émeraude et sous un ciel de cristal les inoubliables contours volcaniques de la prestigieuse Tahiti. Il fait avec l'auteur de singulières rencontres dans les sentiers boueux des environs d'un minuscule port du nord de Bornéo ; sur une rivière tortueuse et étroite, il le suit au cœur de la Gambie jusqu'à l'île de MacCarthy ou bien accompagne en pleine Pampa sud-américaine au fil des eaux paresseuses et teintées de limon du Rio de la Plata. De magistrales évocations lui révèlent des secrets de l'immense Asie à Singapour, à Poulo Penang, à Calcutta ou ailleurs, et loin des continents, le lecteur connaît des moments de poignante émotion dans les Samoa, dans l'île lointaine et ignorée de Tristan da Cunha ou en Haïti, le seul endroit où l'intensité de l'aventure vécue par l 'auteur arrache à celui-ci l'aveu d'avoir perdu pendant un long instant son calme…
 Sans lyrisme et sans recherche de style, mais dans le language précis du marin, le récit d'événements d'une variété déconcertante se poursuit dans les pages de ce livre, l'humour discret et caractéristique de l'auteur cédant bien souvent la place au sérieux et aussi au dramatique. Et avec une rare érudition, l'auteur a su émailler ses narrations d'observations toujours étonnantes et parfaitement à propos, touchant à tous les domaines de la connaissance humaine et si diverses qu'elles s'étendent aussi bien à la description d'une plante médicale rare qu'aux surprises de l'emploi des hormones dans les termitières ou encore aux difficultés rencontrées par les navires du périple d'Hanno, le navigateur carthaginois d'il y a 2000 ans, qui fut l'un des premiers à tenter de contourner l'Afrique.
 Dans sa présentation à la fois pittoresque et vivante, cet éclectisme ne constitue pas le moindre des nombreux attraits du livre, dont il augmente par ailleurs singulièrement la valeur instructive.


Avant-Propos de l'Auteur


C'est une sorte de nostalgie des mers lointaines, ami lecteur, et des pays du soleil, qui m'a fait reprendre la plume. Insidieusement, pendant les traversées solitaires, au passage devant des promontoires que tapissait la verdure des cocotiers, entre les palétuviers de deltas surchauffés ou encore dans les escales trop longues aux endroits perdus de l'équateur, elle a eu le temps de filtrer dans mes souvenirs et sournoisement, de s'installer dans mon sang. Et puis, un jour, lorsque depuis bien des années eut sonné l'heure de la retraite, elle apparut, mêlant un écho de regrets à chacune de mes pensées et troublent la paix de mes rêves.
Il existe, paraît-il, pour traiter un tel état des choses, un moyen simple qui consiste à recueillir les souvenirs au fur et à mesure qu'ils remontent et de les revivre par la plume en les mettant dans les pages d'un calepin.
Je l'ai fait avec un succès dont j'aurais tort de me plaindre puisqu'il a duré autant que mon travail. Et quant aux souvenirs que j'ai réunis dans le présent recueil, je vous propose d'en accepter la lecture et de me suivre dans le passé et au loin. Le voyage, je vous le promets sans modestie, sera d'une variété inattendue. Et d'ailleurs…
D'ailleurs, vous l'aurez remarqué, la diminution des jours annonce en ce moment chez nous l'arrivée prochaine et inéluctable de l'hiver. Sur les bassins du port de la Manche, où nous attend mon vieux bateau, le ciel est gris et le vent de l'Atlantique bien trop chargé d'eau pour sécher le pavé du quai, que l'enchevêtrement des rails rend irrégulier et fatiguant. Toute la nuit, on y entend les locomotives tamponner bruyamment des wagons vides ou chargés, et avec l'aube le concert tour à tour chantant ou saccadé, mais toujours discordant des grues et des treuils reprend son habituelle et fastidieuse clameur. Sur rade, devant les longues jetées inégales qui mènent à la vieille écluse, des navires aux formes estompées dans le brouillard attendent l'heure de la marée, cependant qu'auprès des cordages lovés sur les ponts mouillés et glissants, des matelots se tiennent résignés et silencieux, les traits tirés par le manque de sommeil et le regard tourné du côté de la terre. Ils sont loin de se réjouir, cela se voit, de ce retour au pays à l'entrée de la mauvaise saison…
Mais pour nous, il en est autrement, car nous n'allons pas tarder de retrouver le soleil. Devant la cheminée toute repeinte de neuf, la vapeur refoulée par les soupapes annonce en sifflant que les chaudières ont leur plein de pression ; sous la vergue, un pavillon à large rectangle bleu marque l'imminence du départ et à la lisse à grands coups de palan, un groupe de matelots remonte l'echelle de coupé. Dans un instant le pilote va nous sortir du port, et bientôt, après deux  ou trois rapides escales peut-être, nous franchirons le Capricorne.
Et là, au contact tonifiant du souffle de l'alizé sur une mer moutonneuse et inondée de lumière, nous sentirons rapidement grandir en nous l'envie de retrouver les mille beautés du monde tropical. Ailleurs, au Sud-Est du vieux monde, ce sera la mousson qui nous bercera, plus ou moins humide ou sèche, plus violente aussi parfois, suivant l'endroit où elle nous aura accueillis. Et à peu près toujours, dans les parages où nous ferons nos pérégrinations, nous serons en contact acec l'un ou l'autre de ces grands courants qui sont à eux deux comme une haleine éternelle tout autour de la zone des pays où le soleil ne perd jamais sa force.
Vous est-il arrivé parfois, ami lecteur, d'observer le mouvement régulier et puissant de l'avance d'une étrave dans l'onde cristalline des mers de l'équateur ? Auriez-vous eu l'occasion de connaître là-bas ce léger tangage perpétuel, qui se répète jour et nuit dans l'intensité variable du crissement de l'écume refoulée et finit par apporter à bord cette ambiance de beau temps et de sérénité qu'aiment tant les familiers de la mer ? Plus d'une fois, en regardant défiler les eaux le long de la coque, vous verrez l'impressionnante silhouette d'un requin, qui, toute teintée de turquoise dans l'irisante lumière du ciel, se détournera flegmatiquement au passage du navire pour regagner le large. Souvent des douzaines de marsouins se livreront à des sauts et à des poursuites que vous serez tenté de prendre pour de joyeux ébats, et parfois sur des milles et des milles à la ronde, la présence entre deux eaux d'un banc de méduses constellera la mer d'une multitude de disques pâles d'apparence anodine, mais dont les nageurs indigènes ont grand soin de s'écarter parce qu'ils savent que le contact des tentacules de chacune de ces bêtes est venimeux et même peut devenir fatal…
Peut-être, un jour de calme plat, vous verrez le ciel se couvrir d'un vaporeux voile blanc. Alors, à perte de vue la mer s'étendra comme une nappe immatérielle sans fin, dont les bords s'unissent au loin sans transition à ceux du firmament, et l'absence de toute limite apparente évoquera un univers aux distances confondues où le navire apparaîtra comme un corps étranger suspendu dans le vide. Et lorsque, à peine précédée du crépuscule, la nuit aura éteint le singulier mirage, de multiples phosphorescences ne tarderont pas de créer au milieu du silence anormal des éléments de nouveaux sortilèges ayant pour fond la sereine poésie de la nuit et qui pénètrent le voyageur d'une sensation d'isolement si étrange, qu'il en emportera à jamais le souvenir.
Et si pourtant on prête à ces magnifiques calmes plats tropicaux une secrète auréole d'inquiétude, c'est beaucoup moins en raison de la bizarrerie de ces phénomènes qu'à cause du fait qu'ils occupent dans l'échelle des hasards de la mer une extrémité qui, pour être favorable aux desseins des capitaines, peut n'en être pas moins le présage redoutable de l'affreuse tourmente du bout opposé de cette même échelle. Car en mer aussi on dit que les extrêmes se touchent. Et c'est alors sous le nom de typhon, de cyclone ou de tout autre, le déchaînement sans mesure d'un chaos universel, où l'homme apprend toute la mesure de son impuissance. Dans un cauchemar d'angoisse mais non sans admiration devant la fureur grandiose des éléments, il assiste à la mainmise sur son navire de forces inouies et apocalyptiques, qu'il affronte en raisonnant de son mieux, mais dont l'inexorable et monstrueuse brutalité peut facilement déjouer ses faibles moyens de ruse et a mille fois causé sa perte…
Avec une confiance totale en eu-même, l'officier et l'homme de barre assurent sur la passerelle la conduite du navire. Ils forment une petite équipe unie qui s'accroît du coucher au lever du soleil, pour la sécurité du navire et pour le nôtre, d'un matelot supplémentaire portant depuis le temps de la voile le nom d' « homme de bossoir ».
Sans cesser de consacrer une attention discrète au contrôle du compas, l'officier se contente habituellement de surveiller l'horizon. Il lui arrive à l'occasion d'effectuer une manœuvre pour éviter la route d'un navire étranger et à certaines heures du jour, on le voit se servir d'un sextant et couvrir ensuite de calculs les pages d'un cahier. Parfois aussi, ne quittant pas la jumelle des yeux, il scrutera indéfiniment une certaine portion de l'horizon. Cette recherche assidue ne prendra fin que lorsqu'on le verra se pencher sur l'alidade d'un compas ou d'un taximètre et y prendre un relèvement dans la direction qui l'a tant intéressé. Les voyageurs avisés savent alors qu'il vient d'apercevoir là-bas quelque bout de terre ferme, et que bientôt, après encore une attente plus ou moins longue, il pourront eux aussi la distinguer.
Pour l'instant, ils ignorent si la chose sera la pâle silhouette, à peine visible, d'un contour montagneux, ou un phare, mince tige verticale rehaussée par le mirage et perceptible à cette distance grâce à lui seulement, ou bien encore, peut-être, la partie supérieure du feuillage, doucement agitée par le vent, des cocotiers d'un atoll isolé…
Maintes fois, souvenez-vous, ami lecteur, et au risque de me répéter, je n'ai pu résister dans « Palmiers, Sites et Archipels » à la tentationd'évoquer l'attente et le charme des arrivées dans une terre aux abords mystérieux, que lentement, au loin, on voit s'élever sur l'horizon, et à celle de décrire les premières impressions que l'on y recevait ou les premiers contacts avec les hommes et les choses.
Dans ce livre encore, le voyage nous transportera d'une mer à l'autre, dans les îles et jusqu'au bout des continents, et à chaque arrêt, lorsque avec son fracas assourdissant, la chaîne d'ancre filera dans l'écubier, une autre escale nous recevra, une escale qui sera pour nous le plus souvent une révélation…
Les amarres sont larguées, ami lecteur ; un léger tremblement de la lisse, où nous sommes accoudés nous apprend que l'hélice a fait ses premiers tours. Imperceptiblement d'abord, puis plus vivement, le navire décolle du quai. A nous donc tour à tour, au bout de peu de traversées, la Méditerranée bleue et les sables noyés de lumière de l'isthme de Suez, les mystères de l'Inde dans la vieille Goa, à Poulo Penang ou dans les Sundarbans dont il faut traverser les marécages pour atteindre la grouillante Calcutta. Au pied du vieux Mont Cameroun la baie de Biafra nous livrera ses secrets, nous visiterons Madère et la prestigieuse Tahiti, nous verrons Apia et les Samoa, la Tasmanie aussi. Sur des fleuves à peine connus des touristes nous pénétrerons au cœur de la Gambie ou dans les plaines du Rio de la Plata, et loin, très loin à l'écart des sentiers battus, nous aurons une vision émouvante de l'ingrate et solitaire Tristan de Cunha…
A Dieu Vât, ami lecteur !

      
        Muhlbach-sur-Bruche, en octobre 1962
        
         René R. J. Rohr

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